La conversation, expérimentation d'un format éditorial
18 Jan 2018Le projet suivant a été présenté à la Vitrine DH 2018, à l’Université de Montréal. Je publie ici le texte et la présentation qui reprend dans un format de 3 minutes les éléments de la fabrique Sens Public.
Un double chantier
Le projet d’expérimentation s’inscrit en fait dans un double chantier, au sein de la revue Sens Public :
- une refonte complète de la chaine éditoriale et du site web de la revue, tant du point de vue technique qu’éditorial
- une expérimentation, comprenant la conception et l’implémentation d’un nouveau format éditorial : la conversation.
Pourquoi un format éditorial conversationnel ?
Artefacts académiques vs. pratiques réelles
Nous sommes partis du constat d’un certain déphasage entre les pratiques de lecture et d’écriture des chercheurs en humanités, qui, elles, sont largement passées au numérique, et les formats traditionnels de communication scientifique, que ce soit l’article, la monographie ou la communication en conférence. Ce déphasage est double :
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institutionnel : du fait que les institutions sont dans l’incapacité de prendre en compte dans l’évaluation des chercheurs les nouvelles formes d’écriture et de communication propre à l’environnement numérique (blogs, micro-blogging, listes de diffusion, contributions multiples sur les plateformes, etc.). Ici les verrous sont économiques, juridiques et idéologiques, l’évaluation de la recherche reposant entièrement sur le Science Citation Index, sur le leitmotiv “publish or perish”, ce qui a eu pour effet d’indexer l’évaluation sur le prestige des revues et non sur la qualité scientifique (avec tous les travers de concentration des pouvoirs), et de positionner les revues comme des vecteurs de carrières plutôt que de conversation et de partage.
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éditorial : avec des chaînes de l’écrit, et des chaînes éditoriales encore largement attachées aux paradigmes du papier. Certes des formats, des standards et des plateformes numériques sont apparus (la TEI, JATS, Article Erudit, etc.), mais l’article lui-même a très peu évolué en tant que forme de communication scientifique.
Finalement, les artefacts traditionnels de la communication scientifique peinent à prendre en compte toutes les potentialités du texte numérique et de son environnement.
On pourrait penser que la conversation scientifique en pâtit. Or celle-ci se porte bien, mais hors de l’institution. En fait, les lieux et les formes de la conversation scientifique semble échapper à l’institution.
Crystal of knowledge
Un concept nous a aidé à concevoir ce que serait une conversation. C’est le concept de « cristal de connaissances » introduit par Jean-Claude Guédon.
Selon ce concept de cristal, la conversation consiste en une problématique qui cristallise par agrégation : agrégation de personnes, agrégation de contributions, sous formes de discussions, d’articles, d’annotations, de fragments de texte, disposés ensemble et formant en quelque sorte un réseau d’intelligence temporaire.
Temporaire, selon la temporalité propre à chaque problématique dans la communauté qui la discute. Elle pourra être éphémère ou persistante, le principe étant que le cristal puisse émerger, cristalliser, puis se dissoudre au fil du temps et des questions traitées par la communauté.
Deux espaces
la revue aura donc deux espaces : 1) documentaire, axé sur les articles, et 2) conversationnel, axé sur les échanges sociaux.
Mais il s’agit bien d’un même espace informationnel, comme les deux faces d’une même pièce, l’une alimentant l’autre, puisqu’en effet, les articles deviennent des supports et des prétextes à discussion et à conversation, tandis que les conversations peuvent infiné aboutir à des publications plus classiques sous la forme d’article.
La dynamique change : d’un dossier de revue à une conversation, ce n’est plus une poignée d’auteurs traitant individuellement d’une thématique proposée de manière unilatérale, mais plutôt une communauté élaborant collectivement une problématique et des tentatives de réponses.
Design de la conversation
La conversation fonctionne sur le paradigme du flux. Or pour faire “format” ou pour faire “document”, il nous faut articuler la dimension temporelle de la conversation avec une dimension spatiale documentaire.
Cette dimension spatiale nous sera donnée par des visualisations de la conversation, permettant de la synthétiser : timeline des controverses, cartographie de la communauté impliquée, ou encore cartographie des fragments de connaissances agrégés.
Merci !
La présentation complète est à retrouver ci-dessous :